"La dédiabolisation de l’extrême droite est parachevée avec la diabolisation de la gauche"
#11 - Entretien avec le sociologue Eric Fassin
Bonjour à toutes et à tous,
J’espère que vous allez bien en cet automne interminable. Vivement l’année prochaine, qu’on ait un nouveau président gouvernement et qu’on se rapproche un peu plus du printemps, vous dirait my dear papa (prononcer peupâââ, comme dans Downton Abbey).
Sauf qu’en janvier, Donald Trump sera, lui, officiellement élu président des États-Unis, ce qui est peu réjouissant pour l’avenir de nos démocraties - si tant est que la France en soit encore une depuis cet été. Outre-Atlantique comme en Europe, la “politique du n’importe quoi”, comme la nomme le sociologue Éric Fassin, nous entraîne dans une ère de post-vérité où la véracité des informations n’a finalement plus aucune importance, où les termes sont mélangés, retournés, vidés de leur substance pour leur donner un nouveau sens - ou de préférence plusieurs, bien sûr interchangeables, où les concepts et savoirs universitaires sont pris pour cible, où l’antisémitisme est désormais de gauche et plus d’extrême droite, où la prétendue “théorie du genre” et le “wokisme” se combattent encore au plus haut niveau de l’État, où la désinformation fait donc loi.
Tels sont certains des constats faits par l’éminent sociologue Éric Fassin, pionnier sur les études de genre en France, que j’avais déjà largement cité dans mon livre, Les Humilié·es. Dans Misère de l’anti-intellectualisme, Du procès en wokisme au chantage à l’antisémitisme, paru chez Textuel en octobre dernier, que je vous invite vivement à lire, le professeur à l’université Paris 8 décrypte, à travers une enquête poussée prenant notamment ancrage aux États-Unis, les campagnes de dénigrement des savoirs universitaires, en particulier sur le genre et la question raciale, et leurs conséquences sur nos démocraties. Un livre qui éclaire grandement le contexte politique actuel, et à propos duquel j’ai donc voulu l’interviewer.
Vous analysez dans votre dernier livre le prolongement entre les polémiques sur un prétendu "wokisme" ou "islamogauchisme", la cancel culture, ou encore la "théorie du gender". Quels sont les points communs de ces expressions ?
Tous ces termes visent des mouvements sociaux portés par des minorités en même temps que les savoirs critiques qui s’en nourrissent et l’alimentent en retour. Ce qui est frappant, c’est d’abord la prolifération des mots. En effet, il faut renouveler le vocabulaire qui s’use rapidement pour relancer de nouvelles polémiques en ressassant sans cesse quelques anecdotes usées, tronquées voire fausses. Il s’agit, non pas de concepts, mais de slogans : c’est réduire la politique à la communication. Aussi, pour entretenir l’intérêt médiatique, malgré la répétition ad nauseam, faut-il exagérer de plus en plus : on est passé du « maccarthysme de gauche » au « totalitarisme » - voire, dans certains cas, au « nazisme » !
Aux États-Unis, Donald Trump qualifie justement la cancel culture de "fascisme d'extrême gauche". Comment un tel renversement sémantique et idéologique a-t-il été rendu possible ?
C’est une rhétorique qui rappelle Orwell : « la liberté, c’est l’esclavage ». D’ailleurs, les ventes de sa dystopie, 1984, ont explosé après la première élection de Donald Trump en 2016. Le « fascisme d’extrême gauche », c’est le même type de renversement que le « maccarthysme de gauche ». Non seulement le maccarthysme historique était de droite, mais il s’en prenait, en même temps qu’aux communistes, aux minorités (juifs et homosexuels), et aussi aux cinéastes et universitaires. C’est donc une double inversion. N’allons pas croire qu’il s’agisse seulement des États-Unis : en France, on nous explique bien que les antiracistes sont en fait des racistes. C’est ainsi qu’on peut comprendre le succès, venu de l’extrême droite, de la notion fallacieuse de « racisme anti-blanc » : cette fausse symétrie, c’est une manière d’inverser les rapports de domination, c’est-à-dire de faire comme s’ils n’existaient pas. Les conservateurs dénoncent d’ailleurs la misandrie ; à quand l’hétérophobie ?
Le wokisme comme la cancel culture sont donc des termes importés des États-Unis : est-ce ce qui favorise leur diabolisation en France ?
D’un côté, l’anti-américanisme continue de fonctionner dans cette rhétorique réactionnaire. Un indice a longtemps été, et reste parfois encore, le refus de traduire le mot gender pour mieux le dénoncer comme étranger à notre culture. Mais d’un autre côté, pour dénoncer cette « américanisation » supposée, on importe tout un lexique venu des États-Unis. C’était déjà le cas au début des années 1990, avec la polémique contre le « politiquement correct ». C’est encore vrai aujourd’hui, en effet, avec wokisme et cancel culture (les Québécois, plus cohérents, traduisent : « culture de l’annulation »). Mais il y a aussi des innovations françaises. Ailleurs, on dit : « idéologie du genre » ; en France : « théorie du genre ». On ne parle pas de Critical Race Theory ; on entend plutôt : « intersectionnalité ». Quant à « l’islamo-gauchisme », il n’a pas pris hors de France.
Vous parlez à ce sujet de "nationalisme intellectuel". Pouvez-vous expliciter cette expression ?
Il y a un paradoxe dans le discours réactionnaire en France. Il se prétend volontiers universaliste. Et qu’importe si les minorités réclament simplement l’égalité. Elles se voient traitées de communautaristes. En même temps, ce discours insiste sur une singularité française : il en va ainsi de la « laïcité », c’est-à-dire des usages qui en sont faits actuellement, à rebours de sa définition historique1, ou encore d’un féminisme dit universaliste, qui est en même temps défini comme un féminisme « à la française ». Cela vaut aussi dans le monde intellectuel : comment peut-on refuser, au nom de la raison, la circulation internationale des termes comme « genre » ou « race » ? Le monde universitaire n’est pas cantonné aux frontières nationales ; le savoir n’existe que par l’échange international. On nous parle d’américanisation ; mais en réalité, cette circulation joue aussi bien avec des pays d’Europe ou d’Amérique latine, en particulier. En tout cas, le nationalisme intellectuel prêché contre les savoirs critiques n’empêche pas les droites de partager des vocabulaires, des thèmes, des images. C’est ainsi qu’on a vu la ministre de la famille de Bolsonaro emprunter le rose et le bleu de la Manif pour tous.
Peut-on dater les prémices de la diabolisation du monde universitaire en France ? La décrédibilisation du savoir intellectuel n'a-t-elle pas été à son paroxysme lors des premières polémiques sur une prétendue "théorie du genre", peu avant les débats sur le mariage pour toutes et tous ?
En effet, l’offensive contre la « théorie du genre » marque un tournant. Depuis la conférence mondiale sur les femmes de l’ONU à Pékin en 1995, le Vatican s’était mobilisé contre « l’idéologie du genre » ; mais il s’agissait d’une polémique intellectuelle, sous la houlette d’un théologien, le Cardinal Joseph Ratzinger qui allait devenir le pape Benoît XVI. En 2011, en France, avec la campagne contre les manuels de SVT, accusés d’introduire le genre au lycée, c’est l’anti-intellectualisme qui fait irruption. La droite politique reprend à son compte le combat de l’Église catholique. C’est le prélude à la bataille contre le Mariage pour tous. Mais les termes changent, comme l’atteste l’usage du mot « théorie ». Il est d’ailleurs significatif qu’aux États-Unis, l’offensive contre l’étude de la question raciale se soit concentrée pareillement sur Critical Race Theory. Dans un cas comme dans l’autre, c’est opposer les savoirs critiques au sens commun, en même temps que les élites intellectuelles au peuple. Ce « populisme » est fondé sur un mépris du peuple, renvoyé à l’inintelligence. Je préfère donc parler, pour être clair, de néofascisme.
Quel rôle ont joué Emmanuel Macron et ses différents ministres dans le dénigrement des savoirs universitaires ?
L’anti-intellectualisme est une idéologie politique portée par des partis, des gouvernements et des chefs d’État. En Hongrie, Viktor Orbán s’en est pris aux études de genre avant de chasser de Budapest l’Université Centrale Européenne fondée par George Soros. On pourrait multiplier les exemples, de Trump à Poutine, de Bolsonaro à Milei. En France, les attaques ont commencé, non seulement par les réseaux sociaux, mais aussi par les magazines, comme Le Point ou Marianne, Causeur et d’autres comme aujourd’hui Franc-Tireur. Mais elles ont été reprises dès 2017 par le ministre de l’Éducation nationale contre tout le lexique de la « race », avant d’être amplifiées par Emmanuel Macron, en 2020, dans une campagne contre le « séparatisme » mettant en cause les universitaires qui « cassent la République en deux », et par le même Jean-Michel Blanquer dénonçant une « complicité intellectuelle avec le terrorisme ». Et ce n’est pas fini : l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, Patrick Hetzel, a proposé de relancer une « enquête sur l’islamogauchisme » annoncée en 2021 par Frédérique Vidal. Quant à la présidente de l’Île-de-France, Valérie Pécresse, elle conditionne désormais ses financements aux universités au respect d’une charte des valeurs républicaines dont on imagine bien les usages politiques.
En France, l'expression "islamogauchisme" semble désormais automatiquement accolée à l'accusation d'antisémitisme, assimilant tout discours critique de la politique d'Israël à un rejet des Juifs dans leur ensemble, dont les militant·es de gauche, et les intellectuel·les, seraient désormais les fers de lance, au mépris de l'antisémitisme historique de l'extrême droite. La "dédiabolisation" du Front national a-t-elle définitivement fonctionné, avec la complicité du mouvement macroniste ?
Depuis des années, l’anti-intellectualisme politique dénonce le wokisme, la cancel culture, le « postcolonialisme » et le « décolonialisme », mais aussi, en France, l’islamogauchisme. Or après le 7 octobre 2023, on est dans la continuité de ces discours. Pour les universités, l’histoire ne commence donc pas à cette date. Bien sûr, il y a du nouveau : la question de l’antisémitisme a fait irruption. Mais, comme l’islamogauchisme, c’est un argument utilisé contre la gauche universitaire et au-delà contre la gauche tout entière. Le 12 mars 2024 éclate l’affaire de Sciences Po : une étudiante de l’UEJF a été empêchée d’entrer dans un amphithéâtre occupé pour organiser un événement sur la situation à Gaza. Une phrase aurait été entendue : « ne la laissez pas entrer, c’est une sioniste. » La ministre de l’Enseignement supérieur, le Premier ministre et le président de la République s’en mêlent aussitôt. Pour le président du Sénat, Sciences Po serait un « bunker islamogauchiste ». Les financements de l’institution sont menacés de toutes parts. Il est vrai que l’enquête ne reprendra pas l’accusation d’antisémitisme ; mais qu’importe : le mal est fait.
La campagne contre l’islamogauchisme est relancée par la croisade contre l’antisémitisme supposé de la gauche. On a vu la même logique s’imposer aux États-Unis comme en Allemagne. Pourtant, comme dans ces pays, les enquêtes comme celles du rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) confirment que l’extrême droite est beaucoup plus antisémite que la gauche, même extrême. En revanche, l’antisionisme défini comme « critique d’Israël » est beaucoup plus répandu à gauche qu’à l’extrême droite et qu’à droite, ralliée à la politique de Benyamin Netanyahou. Or tout cela se traduit dans la politique électorale : l’accusation d’antisémitisme permet de disqualifier la gauche. Le front républicain s’est inversé : la gauche a beau continuer de le respecter lors des élections législatives, le premier ministre Michel Barnier a été choisi dans les rangs d’un parti très minoritaire, les Républicains, lequel n’a dû sa survie temporaire qu’au front républicain dont il a bénéficié sans toutefois le pratiquer en retour. En revanche, il est aujourd’hui dépendant du bon vouloir de Marine Le Pen, qui se délecte d’afficher qu’elle le tient en laisse. Le front républicain a cédé la place à « l’arc républicain », qui exclut la gauche et où certains, comme Nicolas Sarkozy, s’emploient à faire entrer le Rassemblement national. La dédiabolisation de l’extrême droite est parachevée avec la diabolisation de la gauche. L’anti-intellectualisme déchaîné contre les campus aura ainsi joué un rôle comparable en France et aux États-Unis : une fois encore, il s’agit d’une inversion : tout se passe désormais comme si l’antisémitisme, c’était la gauche, surtout radicale, et non la droite extrême.
L'anti-intellectualisme représente-t-il aujourd'hui l'arme la plus dangereuse des politiques d'extrême droite, ou néofascistes ?
Bien sûr, les minorités sont les plus exposées à la violence néofasciste. Mais justement : l’anti-intellectualisme ne vise pas seulement les « intellectuels ». Mon engagement intellectuel n’est donc pas corporatiste. Si les universitaires sont aujourd’hui une cible, c’est pour autant qu’on les accuse de contribuer à la construction politique de mouvements minoritaires. L’anti-intellectualisme vise à priver ces mouvements sociaux d’armes intellectuelles.
“Les néofascistes parient sur la bêtise ; les démocrates doivent parier sur l’intelligence.”
En quoi cet anti-intellectualisme engendre-t-il une "politique de la confusion", comme vous la nommez, qui représente plus largement une menace pour nos démocraties ?
La démocratie suppose des choix politiques. C’est pourquoi TINA, la formule thatchérienne sur les politiques néolibérales (There Is No Alternative) marquait un recul démocratique. Mais l’alternative suppose qu’on y voie clair. Or la politique de la confusion rend le monde illisible. En ce sens, elle met en œuvre son anti-intellectualisme : on n’y comprend plus rien ! C’est l’exact contraire d’une politique démocratique : rendre le monde lisible, pour que tout le monde puisse faire des choix en connaissance de cause. Le travail intellectuel doit donc viser à donner des clés pour comprendre les enjeux. Les néofascistes parient sur la bêtise ; les démocrates doivent parier sur l’intelligence. Ce n’est nullement l’opposition entre deux catégories de gens, définies par le quotient intellectuel. Ce sont deux conceptions du monde qui s’affrontent : il faut rendre désirable, non pas la stupidité satisfaite, qui n’épargne aucune catégorie sociale, mais l’intelligence du monde, en la rendant accessible à toutes et tous.
Aux États-Unis, Donald Trump a été le principal instigateur de théories du complot érigées en vérités, comme celles sur le prétendu trucage de l'élection présidentielle de 2020 ayant conduit à l'assaut du Capitole par ses partisans. Craignez-vous que de tels discours puissent avoir une portée similaire en France ?
On voudrait croire que non. Mais jusqu’à quand ? On a vu par exemple comment circulent les idées et les formules venues de l’extrême droite. On pourrait aussi parler d’un complotisme sans frontières : les climatosceptiques, ou les covidosceptiques, on en rencontre partout. Pour ce qui concerne la France, il y a longtemps que, comme d’autres bien sûr, je dénonce une dérive anti-démocratique. C’est ainsi que j’avais publié en 2012 un livre sur les années Sarkozy intitulé : Démocratie précaire. Or, depuis, les choses ont évolué rapidement ; j’ai même le sentiment qu’on est dans une accélération constante. Nous vivons dans un climat politique encore impensable il y a dix ans. Qu’en sera-t-il dans dix autres années ?
“Les attaques contre la vérité sont aussi des attaques contre la démocratie.”
Vous faites, dans votre livre, une distinction entre fake news et alternative facts, pourquoi ? Les deuxièmes sont-ils plus dangereux que les premiers ?
On trouve maintenant, dans les médias, des rubriques de fact checking. Signe des temps ! Certes, aux États-Unis, la presse recourt depuis longtemps aux fact checkers. Mais c’était pour vérifier les informations et citations publiées dans ses articles. Aujourd’hui, c’est pour démentir les fake news propagées par les politiques. Il me semble toutefois que la nouveauté radicale est ailleurs. En effet, la propagande a toujours fait partie du discours politique. En revanche, on a vu apparaître une expression très révélatrice en janvier 2017, au lendemain de l’investiture de Donald Trump. Confrontée aux exagérations mensongères du nouveau porte-parole de la Maison Blanche, une conseillère de Trump, Kellyanne Conway, les a justifiées avec ces mots : non pas fake news, mais alternative facts.
Que signifient ces « faits alternatifs » ? Pour l’expliquer, j’utilise une autre distinction, que j’emprunte au philosophe Harry Frankfurt, entre le mensonge et le bullshit. Le menteur veut faire croire qu’il dit la vérité ; pas celui qui dit n’importe quoi (en français, j’utilise cette traduction, moins familière). Quand le brésilien Jair Bolsonaro parlait d’un « kit gay », en prétendant qu’on distribuait aux enfants des biberons avec des tétines en forme de pénis, il ne cherchait pas à être plausible. Quand Trump diffuse la rumeur sur les migrants haïtiens mangeant les chiens et les chats, il ne s’attend pas à être cru. C’est du divertissement, burlesque et grotesque. Qu’importe la vérité ? Tourner la politique en dérision, c’est considérer la démocratie comme une farce. Or les attaques contre la vérité sont aussi des attaques contre la démocratie. Si tout se vaut, rien ne vaut. On comprend dès lors que les universitaires soient des cibles : en principe, ce métier repose sur un désir de vérité. Trump voudrait en finir avec la vérité : c’est le sens d’une politique du n’importe quoi, qui noie toute exigence de vérité dans le ridicule du bullshit.
Le jour de la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle, le 6 novembre dernier, Elon Musk, qui a joué un rôle de premier plan dans sa campagne, s'est empressé de tweeter "You are the media now". Cela marque-t-il une institutionnalisation de la "post-vérité" ?
Historiquement, les médias ont joué un rôle central dans la constitution d’un espace public caractéristique de la démocratie libérale. Ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui. Songeons au Washington Post. C’est le journal qui a fait tomber un président, Richard Nixon, en enquêtant sur le scandale du Watergate. Sa devise ? « Democracy dies in darkness » (« Dans l’obscurité, la démocratie se meurt »). Or, cette année, ce grand organe de presse a dû renoncer à se déclarer en faveur de Kamala Harris, c’est-à-dire contre Trump. Pourquoi ? Sous la pression de son propriétaire, un milliardaire trumpiste, la rédaction a dû céder. Les grosses fortunes contrôlent aujourd’hui une part importante de l’information, comme c’est le cas en France.
Mais la menace vient aussi, bien entendu, des réseaux sociaux. Si les journalistes restent sur X (ex-Twitter), c’est pour l’utiliser comme une source d’information – comme tout le monde. C’est plus rapide. C’est ainsi que les médias traditionnels ne définissent plus l’information ; ils la suivent. Bien sûr, ils l’approfondissent, voire la corrigent ; mais leur rôle est second : ils viennent après les réseaux sociaux. Cette ouverture de l’espace public a certes offert une voix à des contre-publics minoritaires qui en étaient jusqu’alors exclus. Toutefois, aujourd’hui, c’est la fachosphère qui est la grande gagnante. Elon Musk en est la figure emblématique : son rachat de Twitter, il le saluait d’un tweet : « L’oiseau est libre ! » En réalité, c’était une libération de la parole sexiste, homophobe, transphobe, raciste, xénophobe, antisémite. Tel est le « peuple », fort peu démocratique, selon Musk ou Trump.
*Entretien réalisé par échanges de mails fin-novembre 2024.
Petit instant promo : vous pouvez lire à ce sujet mon dernier article pour Basta, sur des salariées du Samu social de Paris, “poussées vers la sortie” parce que voilées.
Magnifique ce livre ! Toujours autant de brillance Éric Fassin !